Velyan tourna la tête un instant, tandis que ses yeux se perdaient dans le vague. Oublier ce qui venait de se passer… Evidemment ! Il ne vivait que pour son devoir et son attachement à son maître. Son esprit le trahirait peut-être par quelques cauchemars, mais il les surmonterait facilement, du moins le croyait-il. De toute façon, il ne vivait plus pour lui depuis de longues années. Il regarda son hôte dans les yeux, l’air très assuré… à son avis.
« Je vous remercie de vous inquiétez pour moi, mais vous ne devriez pas. Je suis quelqu’un de solide, ce n’est pas une agression, aussi grave soit-elle, qui va me démolir. Même si ma mission est compliquée, elle me permettra de repartir d’un bon pied. Cependant, je ne sais pas comme j’aurais pu m’en sortir si vous ne m’aviez pas soutenu. C’est pour cette raison que je me sens très reconnaissant envers vous. »
Le vampire avait conscience de ne pas se montrer totalement honnête en lui parlant ainsi. Mais peut-être l’était-il plus qu’il ne le pensait ? Au fond, peu lui importait. Il souhaitait juste retrouver l’héritier de son maître et partir d’ici. Malheureusement, les choses restaient un peu trop compliquées à son goût pour l’instant. Il devait réfléchir à un moyen de traverser la terre des Dragons sans risque, d’atteindre le palais, de rencontrer Faeris et de le convaincre de rentrer avec lui… Sans pour autant se faire étriper par son protecteur. Apparemment, les choses ne se dérouleraient probablement pas comme il l’espérait.
« Vous avez tort de me croire aussi courageux… Si c’était le cas, je vous aurais déjà quitté pour remplir ma mission. Mais je pense que ce serait bien trop risqué en ce moment. »
*Si Kyu est aussi dangereux que celui que j’ai croisé la dernière fois, je ne tiendrai pas cinq minutes. Pourtant, je ne peux pas renoncer ! Pas si près du but !*
Le visage de Velyan se crispa légèrement quand il entendit les paroles d’Oran. Se marier ? Avoir des enfants ? Il ne pouvait même pas envisager de flirter avec quelqu’un, car sa compagne deviendrait la victime de la malédiction de sa sœur. Alors fonder une famille…
« Non, c’est impossible », répondit-il d’une voix plus sèche qu’il ne l’aurait voulu. « Je ne peux pas courir le risque de me lier à ce point avec une autre personne. Il y a… certaines faits que vous ignorez sur moi. De toute façon, je ne désire pas me marier, c’est une chose qui ne m’attire vraiment pas. Quant à mon nom… Mes proches l’ont déjà perpétué. Il est donc inutile que j’en rajoute », continua-t-il en souriant.
Le vampire se sentit soulagé quand son interlocuteur préféra aborder un autre sujet de discussion. Visiblement, les parages de son logis étaient aussi dangereux qu’il avait pu le remarquer. Il réprima un soupir ennuyé, déjà fatigué par ses futurs problèmes. Peut-être le mage accepterait-il de lui montrer des sentiers détournés, qui lui éviteraient de finir dans un estomac végétal ? Par contre, il ne s’attendait pas du tout au geste de son hôte… Très surpris, Velyan le vit se lever et lui passer un pendentif autour du cou. Il remarqua un médaillon en forme de dragon, qui lui sembla fondu dans une matière très précieuse.
« Je… Je ne sais pas quoi dire… C’est trop… Et je ne saurai pas comment l’utiliser je crois… Il… Il a vraiment un pouvoir aussi important ? »
Heureusement que le mage lui avait offert cette amulette ! Sans quoi, ses déplacements se seraient avérés particulièrement difficiles et dangereux. Il observa l’objet avec curiosité, sans comprendre tous les dessins ou les symboles qu’il pouvait voir dessus. D’un seul coup, il se sentit transporté en arrière, à l’époque où il avait appris que sa sœur pratiquait de la magie. A l’époque, la sorcellerie ne paraissait pas aussi monstrueuse au seigneur Vornel et celui-ci avait laissé la jeune vampire tranquille un certain temps. Peut-être cette dernière croyait-elle convaincre son frère du bien fondé de ses activités ? Toujours est-il que Velyan avait assisté à plusieurs séances de magie. Mais tout ceci était désormais bien scellé dans les tréfonds de sa mémoire… Cependant, il était à peu près sûr de n’avoir jamais vu ce genre de signes. Il écouta attentivement les explications d’Oran, sans quitter des yeux la tête de dragon.
« Je vous remercie d’autant plus pour votre générosité… C’est un bien étrange objet que vous venez de me donner. C’est la première fois que je vois un telle chose… Mais c’est bien normal, vu que la magie est interdite en mon pays. Je vous promets d’en prendre grand soin et de vous le rendre en parfait état. »
Le soldat ne dit rien, tandis que le mage lui expliquait sa façon d’envisager son pouvoir. En fait, il ne savait plus trop quoi penser de tout cela. Au fond de lui, il ne considérait la magie comme une chose malfaisante que par la volonté de son maître. Brusquement, tout lui paraissait tellement plus compliqué… Qu’y pouvait-il de toute façon ? Il devait continuer à obéir à son maître et à réaliser tous ses désirs. Sans quoi son existence actuelle n’aurait plus vraiment de sens…
« Je suis d’accord avec vous, c’est un endroit très tranquille. J’aimerais bien vivre dans une région pareille un jour. Mais j’ai trop de travail, aussi je doute que ce soit passible. Au fond, ce n’est pas bien grave. »
Velyan s’essuya une nouvelle fois le visage d’un geste rageur. Il détestait se comporter ainsi, comme un être déprimé et indécis. Il fallait qu’il se secoue, qu’il pense à une chose qui lui permette de se détendre. De plus, il ne comprenait pas pourquoi il se sentait aussi fébrile. Et cette chaleur… Il resta bouche bée quand Oran lui donna l’explication. Le pauvre dragon semblait profondément gêné par son erreur.
« Je… Je ne comprends pas… Vous voulez dire que je ne peux plus m’éloigner de vous sans risquer de tomber malade ? Bon, il faut que je réfléchisse… S’il s’agit d’une dépendance, j’éprouverai juste des symptômes de manque plus ou moins forts. Normalement, cela ne devrait pas m’empêcher de réussir ma mission si elle ne dure pas trop longtemps… Ce qui m’arrivera ensuite n’a de toute façon aucune importance… »
Troublé par cette situation, Velyan avait parlé à voix haute sans s’en rendre compte. Il se tourna vers le mage en souriant d’un air résigné.
« Ne vous inquiétez pas pour ça, ce n’est pas si grave. C’est de ma faute aussi, j’aurais dû mieux contrôler ma soif. Peut-être trouverai-je un moyen de régler ce problème et sinon… Tant pis, il y a des choses bien plus sérieuses. Par contre, j’ai bien peur que l’aphrodisiaque ne fasse son effet tout de suite… »
Troublé par cette nouvelle et par son état actuel, le vampire ne se rendait pas vraiment compte de ce qui venait de lui arriver. Pour l’instant, il voulait se débarrasser de cette chaleur suffocante et de ses vêtements collants. Il se dirigea vers la salle de bain et ouvrit le robinet de la douche à fond. L’eau glacée lui parut si tentante qu’il s’en aspergea sans même se déshabiller. Mais cette idée lui parut bientôt stupide, car elle rendait ses vêtements plus difficiles à ôter. Sous la douche, il commença à se débattre férocement avec son pantalon.