A la recherche de la sortie

[Siguen]

Finalement, Siguen avait décidé de laisser Faeris, son meilleur ami, entre les mains de Kyu. Il regrettait beaucoup de ne pas lui avoir dit adieu avant de le quitter, mais il ne voulait pas gâcher un moment aussi important pour l'hybride. Il le reverrait plus tard, il le savait. Désormais, son compagnon avait trouvé sa place, il était à l'abri et, à moins d'être suicidaire, plus personne n'oserait lui faire de mal. Il ne restait plus au vampire qu'à rentrer chez lui, auprès de ceux qui l'attendaient. Malheureusement, le voyage de retour promettait d'être plus compliqué que celui de l'aller.

*Je ne peux pas me fier aux chemins magiques pour rejoindre Koriyu... Je risquerais de ne jamais arriver, tant ils sont devenus instables. Mais je suis tellement fatigué... Si je pars à pied ou même à cheval, je ne sais pas si j'aurai assez de forces pour retourner chez moi...*

Le général avait préféré s'éloigner au plus vite de la chambre abritant Faeris et Kyu. Il savait que le dragon n'apprécierait pas qu'il traîne dans le coin et... En fait, Siguen n'avait aucune envie d'assister à leurs retrouvailles, ou même de les entendre. Il prit le premier couloir qui venait, puis un second, puis un troisième... Il ne faisait pas vraiment attention au chemin qu'il suivait. Soudain, il eut l'impression que le corridor commençait à se soulever. Brusquement, comme ça, sans prévenir ! En fait, cette sensation venait de ses jambes, qui le soutenaient de plus en plus mal. Le vampire se laissa tomber assis sur le sol, espérant que ce petit malaise disparaîtrait rapidement.

*Je ne dois plus être loin de la sortie à prés... Non... Quel imbécile ! Je n'ai pas pris l'allée de droite tout à l'heure ! Je ne suis pas du tout dans la bonne direction maintenant. Je ne sais même pas où j'ai pu arriver... Ah si, je reconnais cette porte : elle mène à la salle d'entraînement des enchanteurs. Eh bien, je suis beaucoup plus loin que je ne l'espérais...*

Siguen fit un gros effort pour se remettre sur ses pieds. Il passa sa main sur son visage en soupirant. Si seulement il avait pu demande de l'aide, il serait peut-être déjà rentrer à la base. Cependant, en l'absence d'ordre de mission officiel, le général préférait ne pas se faire remarquer. Les dragons n'étaient vraiment pas réputés pour être conciliants avec les étrangers...

[Réservé à l'enchanteur Keisuke Shigao]

[Keisuke Shigao]

Keisuke s’était levé d’une humeur plus que charmante, ce jour là. Comment aurait-il pu en être autrement? Il était un dragon heureux et rien jusqu’à présent n’avait pu entacher son moral à tout épreuve. Rien. Sarcasmes, moqueries, menaces, tout glissait sur lui comme l’eau sur ses écailles. Non pas qu’il en est reçu beaucoup d’ailleurs, mais c’était une façon de parler. Pour donner un exemple parlant, même la plus mauvaise humeur du prince Kyu ne pourrait parvenir à briser sa bonne humeur.

Alors il était là, à avancer gaiement dans les immenses couloirs sans fin du palais. Pour un peu se serait-il mit à sautiller joyeusement comme un enfant. Presque. Il ne fallait pas exagéré non plus. Il aurait p faire peur aux occupants du palais, à être encore plus de bonne humeur que d’habitude. Quoi que, il pourrait leur dire que cette fois, sa bonne humeur était sincère, mais cela n’intéresserait de toute manière personne.

Il salua un garde qui faisait sa ronde et tourna à l’angle du couloir qui le mènerait à la salle des enchanteurs. Il avait envi de faire un peu d’exercice. Ou de trouver un cadeau hors du commun à créer pour son amour. Oui, c’était une bonne idée ça. Qu’Est-ce qui pourrait bien faire plaisir à Oyuki ? Il fallait qu’il y réfléchisse sérieusement.

Il en était là de ses réflexions lorsqu’il se rendit compte que quelque chose clochait. Oui, vraiment. Et c’est en descendant un instant de son petit nuage qu’il sut que ce « quelque chose » était en fait un « quelqu'un », assis par terre et adossé au mur, près de la porte d’entrée de la salle magique. Keisuke haussa un sourcil. Lui, ce n’était pas un dragon. Il reconnaît toujours ses pairs, même sans les avoir rencontré. Un nouvel intrus ? Décidément, on pénétrait vraiment dans ce château comme dans un moulin.

Pas plus perturbé que ça, il continua tranquillement son chemin, et vint s’immobiliser devant « l’intrus ».

«  Si vous voulez mon avis, il existe des moyens moins stupides de mourir que de faire une sieste dans le palais royal de Shyrokyu… »

Sa voix était musicale, presque chantante et un réel amusement se percevait. Il ne perdait jamais son masque de clown de service. Mais malgré cela, il n’avait pas besoin d’être guérisseur pour voir que « l’intrus » n’était pas au mieux de sa forme. Quoi qu’il en soit, il avait vraiment très mal choisi l’endroit pour faire ce genre de malaise, quand même…

[Siguen]

Le vampire crut qu'il parviendrait à se tenir debout, mais le couloir commença à tanguer quand il se retrouva sur ses pieds. Il se rassit lourdement, pour éviter de s'effondrer au milieu du couloir. Sa situation lui semblait de plus en plus grave... Il ne savait pas comment il pourrait rentrer chez lui, alors qu'il tenait à peine debout. Il aurait dû demander au mage Oran de l'aider, mais c'était trop tard à présent. Epuisé, Siguen ne vit pas quelques serviteurs passer devant lui en le regardant d'un air mi-étonné, mi-méfiant. Peut-être le prenait-il pour un espion ? Ou un ivrogne ? Peu importe, car le général ne s'aperçut pas de leur présence.

*Je devrais peut-être... faire appel au roi Shyro tout compte fait... Je... Je ne dois pas m'endormir ici...*

Malheureusement, c'est ce que le vampire était sur le point de faire. Au moment où il pensait ses paroles, son corps glissa mollement sur le côté. D'ici quelques secondes, il dormirait profondément, allongé sur le sol... Mais une voix joyeuse réussit à le sortir du sommeil dans lequel il sombrait. Le vampire redressa la tête d'un seul coup, les yeux grands ouverts.

"Je... Vous... Oui, vous avez raison, je peux certainement trouver une manière plus intéressante de disparaître. Surtout avec mon métier..."

Siguen s'appuya contre le mur et se releva lentement. Il lui fallut un certain temps pour y parvenir, car ses jambes semblaient complètement paralysées. Le vampire tourna son visage fatigué vers l’origine de la voix. Il se retrouva devant un homme à l’air détendu, pas du tout menaçant en dépit de ses paroles. Même s’il n’avait pas senti sa nature, le général savait qu’il s’agissait d’un dragon. Une autre créature ne serait pas promenée aussi tranquillement dans le palais dragon. Le risque était bien trop grand de finir dans l’estomac d’un conseiller ou dans une grosse marmite.

" Si je le pouvais, je m’installerais ailleurs pour une longue, très longue sieste… Mais les choses sont un peu plus compliquées pour moi. Cependant, je suis d’accord avec vous, je ferais mieux de m’en aller. Est-ce que… Savez-vous dans quelle direction se trouve la sortie du palais ? Je me suis si mal débrouillé que j’ai complètement perdu mon chemin."

Siguen eut l’impression que le couloir recommençait à danser devant ses yeux. Il appuya brièvement sur ses yeux pour éclaircir sa vue. Le vampire sourit d’un air amusé à son interlocuteur, comme si tout allait parfaitement bien. Pourtant, il savait que sa situation se présentait mal… Il mourait d’envie de rentrer chez lui, mais ceux qui l’attendaient lui semblaient tellement loin à présent… Mais il n’était pas question qu’il se décourage ou qu’il se laisse dévorer par un dragon !

[Keisuke Shigao]

Sans se départir de son sourire de clown, Keisuke observa son intrus. Car intrus il devait être, à un certain point de vue. Il retint de justesse un petit gloussement amusé. Décidément, tous les intrus de ce palais étaient pour lui ! Quoi que, pour les intrus en question, ce n’était pas plus mal. Mieux valait tomber sur lui que sur un garde ou le prince. Avec lui, ils avaient des chances de s’en sortir vivants. A moins qu’ils soient des ennemis, et là il pouvait parfaitement régler le problème lui même. Et ce même s’il n’aimait pas faire usage de la violence.

Bon, cet intrus là ne risquait pas de leur faire grand mal. Il semblait bien incapable de marcher sans tomber dans les vapes. Et il ne semblait pas avoir d’intentions malveillantes. Alors il allait peut être lui laisser une petite chance de s’expliquer, non ?

« Vous avez un métier à risque ? »

Question polie accompagnée d’un sourire poli. Mais ça l’intéressait. Avait-il devant lui un spécimen identique à celui de son Oyu-chan ? Mais son vis à vis reprit la parole, courageusement il fallait le lui reconnaître.

« Vous vous êtes perdu ? Voilà qui est bien dommage…. »

Bon aller, il allait peut être s’amuser un peu avant de décider s’il l’aidait ou pas. Cela lui permettrait peut être aussi de glaner un peu d’informations pour se faire une idée sur la personne qui se trouvait en face de lui. Il avait quand même une belle carrure, et d’autant qu’il pouvait juger un corps bien entretenu avec ce qu’il fallait où il le fallait. Il devait être un habitué de l’exercice physique. Un sportif ? Un soldat ? C’était à creuser.

« Mais comment êtes vous arrivé ici si vous ne connaissez pas le palais ? Vous êtes venu accompagné et on vous a lâchement abandonné ? »

Il ne changeait pas d’attitude, gardant son masque de clown, sans pour autant quitter son vis à vis des yeux. Il ne croyait pas le moins du monde à l’hypothèse qu’il venait d’émettre. Un dragon qui introduirait au palais un non dragon pour ensuite le laisser en plan, c’était peu probable, à oins que le dragon en question avait organisé une battue avec buffet assuré pour le vainqueur.

Enfin, il essayait surtout d’avoir quelques éclaircissements, histoire de se faire une idée plus nette de la situation et décider de ce qu’il allait faire.

[Siguen]

Siguen observa plus en détail l’homme qui se trouvait en face de lui. Même si ses idées n’étaient plus très claires, il savait qu’il ne l’avait jamais vu. Il ne devait pas s’agir d’un responsable politique, sinon il se souviendrait de lui. Par contre, méprisants comme se montraient la plupart des conseillers, il ne serait guère étonnant qu’ils ne se souviennent pas de lui. Mais… non. Non, le général en était certain à présent, ce dragon ne faisait pas partie des membres du pouvoir. Cependant, il ne travaillait pas non plus comme domestique, sinon il porterait une livrée.

"Oui, je pense que l’on peut dire que mon métier soit risqué, même si la situation est calme actuellement. J’appartiens à l’armée de Koriyu depuis que je suis arrivé à Yamato no Orochi. Cela fait… un très long moment déjà…"

Siguen réprima un bâillement juste au moment où il terminait sa phrase. Il préféra ne pas donner son poste exact au sein de l’armée. Un général qui se baladait à moitié endormi au beau milieu du palais de Shyrokyu, sans se rappeler comment on en sortait… Oui, cela ferait sans doute un peu désordre. A moins que ce dragon ne se moque totalement de la situation de ceux qui l’approchaient. Après tout, il ne semblait ni inquiet, ni soucieux, ni méfiant. A moins qu’il ne s’agisse que d’une apparence… Ou d’un piège…

*Bon sang, je commence à délirer ! Il faut que je calme et que je me concentre sur ma situation. Et surtout que je n’oublie pas que je ne peux compter sur personne ici…*

"Eh bien… Je suis arrivé ici d’une façon un peu étrange. J’accompagnais un ami, qui devait venir dans ce palais pour régler de gros problèmes. Apparemment, ses ennuis sont terminés, mais je crois que les miens risquent de commencer à présent. En fait, je ne suis pas entré par la porte… Ce qui explique probablement mes difficultés pour la retrouver. Une connaissance m’a transporté en ces lieux, ce qui m’a pris d’atteindre le milieu du palais très rapidement. Par chance, j’étais déjà venu, donc ceux qui m’ont croisé m’ont laissé tranquille pour l’instant."

Siguen ne mentait pas, car il s’était déjà rendu à Shyrokyu à l’occasion de plusieurs missions. D’ailleurs, il espérait ne pas rencontrer certaines personnes qu’il avait déjà vues en passant par ici. La majorité aurait sans doute fait semblant de ne pas le reconnaître, histoire de régler définitivement quelques vieilles mésententes. De nombreux dragons n’appréciaient pas les habitants des autres royaumes, y compris leurs représentants officiels. Surtout quand ceux-ci avait affirmé leur désaccord envers la vision dragonne des choses.

"Ma situation me paraît de plus en plus compliquée…" soupira-t-il, avant de se reprendre. "Excusez-moi, je crois que j’ai pensé à voix haute."

[Keisuke Shigao]

Rooo, un militaire ! ! Il avait pensé juste. Dommage qu’il ne portait pas d’uniforme, Keisuke avait toujours trouvé qu’un homme en uniforme était un sens excitant. Enfin, ça il le pensait depuis qu’il était devenu le « clown » qu’il était aujourd’hui. Auparavant, les militaires lui rappelaient de trop mauvais souvenirs…

« Un habitant de Koriyu… Vous êtes bien loin de chez vous… »

Il avait gardé son petit sourire et n’avait pas l’intention de se départir de son attitude que beaucoup trouvaient agaçante. Pas pour l’instant du moins. Il écouta la suite des explications du militaire. Il haussa exagérément un sourcil devant la réponse, comme si c’était quelque chose de surprenant. Ce qui n’était pas le cas. Pas pour lui en tout cas.

« Transporté ? Vous voulez dire que quelqu’un a utilisé la magie pour vous permettre de vous introduire dans le château royal de Shyrokyu à l’insu de tout le monde ? Voilà une histoire bien intéressante… »

Il laissa échapper un petit gloussement amusé.

« C’est pas bien ça… Surtout si vous n’êtes plus capable de trouver la sortie. »

Il était déjà venue au palais ? Oulà, ça devait être quelqu’un d’important ! Même s’il ne passe pas par la porte d’entrée… Il esquissa un nouveau petit sourire amusé à la dernière remarque du visiteur pas vraiment en visite.

« Effectivement, vous avez pensé à voix haute. Et en effet, tout ça est bien compliqué. Mais dites moi, cette affaire que vous êtes venus régler doit être bien louche pour que vous soyez obligé d’employer des méthodes aussi extrêmes … Je devrais peut être vous obliger à raconter toute votre petite histoire au roi, ou du moins à ses gardes… »

Il adopta une expression qui avait un rien de sadisme et un rien de pseudo réflexion intense. Qui n’était en aucun cas sérieuse. Il n’avait nullement l’intention de mettre sa « menace » à exécution. Son instinct lui disait que son vis à vis n’était pas un danger immédiat. Rien qu’il ne puisse gérer calmement et pacifiquement. Son esprit s’orienta vers autre chose, et ce fut à son tour de pense rà voix haute.

« Ca, et il va falloir sérieusement revoir la barrière magique protégeant le château… »

Ca, s’était son rayon. Savoir que les gens se téléportaient tranquillement dans le palais était dérangeant. Lui, s’était une chose. Il était l’enchanteur du château. Mais il allait quand même devoir faire attention à tout ça.

Il se reprit et son sourire de dix mètres refit son apparition.

« Bien bien bien, que vais-je bien pouvoir faire de vous… »

Tant qu’à s’amuser, autant aller jusqu’au bout. Même s’il était presque sûr qu’il l’aiderait à sortir. Il voulait juste le taquiner encore un peu, le tout en surveillant les alentours. Mieux valait éviter les gardes.

[Siguen]

Etait-ce à cause de la fatigue ? Toujours est-il que Siguen avait la vague impression de vivre quelque chose d’irréel. Se trouvait-il vraiment dans le palais de Shyrokyu, en compagnie d’un dragon inconnu ? Ce dernier n’essayait même pas de le dévorer… Etrange… Pendant quelques secondes, il fixa l’homme en face de lui comme s’il cherchait à regarder au travers. Puis il haussa les épaules et lui répondit en souriant :

"Oui… Je suis loin de chez moi, mais j’ai la ferme intention d’y retourner. Par contre, cela risque d’être un peu difficile aujourd’hui… A mon avis, la meilleure solution est de quitter ce château rapidement pour trouver un chemin magique…"

*Ou un endroit discret pour bien dormir…*

"Ou de compter sur la bonté des habitants de Shyrokyu, ce que je ne préfère pas envisager. Ne le prenez pas pour un grief personnel, je m’inquiète des mœurs dragonnes d’un point de vue purement général."

Siguen étouffa un bâillement derrière son sourire. En dépit de la gravité de la situation, le comportement de Keisuke avait plutôt tendance à l’amuser. A moins que cet enthousiasme ne vienne de son état d’épuisement ? Il faillit éclater de rire quand l’enchanteur le fixa d’un air mi-sadique, mi-réfléchi. Misère, il devait se reprendre au plus vite… Même si cet homme ne semblait pas dangereux, le vampire savait parfaitement qu’il risquait gros en l’énervant. Voyons, que venait-il de lui dire… Ah oui, qu’il allait révéler sa présence au roi Shyro. Peut-être était-ce la meilleure solution après tout, non ? Le souverain serait très étonné lorsqu’il apprendrait la raison de sa venue, mais il comprendrait l’importance de sa "mission". Oui, lui ne lui ferait certainement pas de reproches. Ses conseillers par contre…

"Que cette situation est compliquée…" gémit Siguen en lâchant un éclat de rire. "Désolé, vraiment désolé de vous encombrer de mon existence, mais… En fait, je serais très ennuyé si vous parliez de moi aux proches du roi. Par contre, je suis sûr que Shyro serait heureux d’apprendre ce qui vient de se passer… Je m’excuse, je ne suis pas très clair…"

Siguen passa sa main sur son visage, le temps de reprendre contenance. Sa voix semblait plus sûre quand il reprit la parole.

"Je m’en veux de vous avoir troublé par mon arrivée. Cependant, vous pouvez imaginer que si vos protections m’ont laissé passer, c’est que je ne représente pas un grand danger, n’est-ce pas ? Du moins, je suppose que la magie peut fonctionner de cette manière…"

*Si je fais mine de vouloir lui apprendre son boulot, il ne va sans doute pas apprécier…*

"De toute façon", reprit-il avec entrain, "je vais partir tout de suite ! Je ne vais donc plus vous déranger ! Sauf si vous m’empêchez de partir ! Logique non ?"

Le vampire avait l’impression de partir en plein délire. Même le couloir paraissait gigoter, comme s’il l’approuvait. Mais cela suffirait-il pour convaincre son interlocuteur de sa bonne fois, à défaut de sa santé mentale ?

[Keisuke Shigao]

Keisuke devait se retenir de rire, ce qui n’était pas évident. Son « intrus » était vraiment amusant. Ou alors c’était lui trouvait tout cela follement amusant. Peut être un peu des deux, mais en tout cas, le dragon s’amusait comme un petit fou.

« Oh mais je ne m’offusque pas le moins du monde, mon cher intrus. Il en faut plus pour me vexer, vous pouvez en être sûr. Et pourquoi se vexer d’une vérité ? »

Certes, il n’était pas lui même hostile à toutes les autres espèces, loin de là… Nooon, pas penser à son Oyu-chan maintenant, pas penser… Bref, il n’était pas comme ça, mais savait que c’était un cas fréquent chez ceux de son espèce. Et en effet, si son vis à vis espérait s’en sortir en un seul morceau, il valait mieux qu’il évite de se balader dans la capitale.

« Quoi qu’il en soit, je vous déconseille en effet de tente rune petite excursion hors de ces murs. Ce sera bientôt l’heure de manger, en plus… »

C’était glauque, comme blague, il le savait, mais c’était plus fort. Il voulait taquiner un peu le militaire. Même si bon, sa plaisanterie contenait une bonne part de vérité, aussi. Bref, il enchaîna, se demandant à voix haute s’il devait conduire son vis à vis devant les gardes. Une autre gentille provocation, pour voir la réaction de son vis à vis. La suite des paroles de l’inconnu ajouta encore à son amusement, si cela était possible, tout en introduisant un peu d’intérêt.

Sa réaction le surprit agréablement et il s’amusa encore plus à l’entendre rire. C’était un son agréable, même si aucun ne serait aussi doux et merveilleux à ses oreilles que le rire merveilleux de son amour. Mais bon, là n’était pas la question.

« Vous avez un rire agréable, on vous croquerait bien ^__^ »

Il disait ça au figuré, bien sûr, mais l’ambiguïté au vu de leur situation respective l’amusait. Son regard se fit ensuite plus perçant.

« Le roi en serait satisfait ? Vous m’intriguez, mon cher… Mais je suppose qu’il s’agit là d’une affaire confidentielle. C’est bête, moi qui adore mettre mon nez dans ce qui me regarde pas… »

La curiosité était un vilain défaut, il le savait très bien. Mais ce n’était encore qu’une petite pique. Il ne cherchait pas à savoir si le sujet devait rester secret. A la rigueur, il irait ensuite en parler au Roi.

Après un moment de flottement, son vis à vis repris, et cette fois, ce fut Keisuke qui éclata d’un rire amusé.

« Par les esprits, il en faut bien plus pour me troubler ! ! Quant aux protections magiques, c’est plutôt à l’enchanteur qu’il faudrait faire les reproches. C’est son boulot après tout. C’est lui l’incapable. Oups ! ! Suis-je bête ! ! Je m’insulte moi même ^-^ »

Bon, il était parti dans son petit trip. Les mots de l’inconnu le ramenèrent un peu au présent.

« Si je vous laisse partir ? Allez savoir… Voilà matière à réfléchir. »

IL se remit en marche, dépassant son intrus pas si intrusif. Il agita vaguement la main et ce dernier se retrouva soulever dans les airs. Rien de bien méchant, juste un petit sortilège pour le soutenir, lui qui semblait sur le point de tomber dans les vapes, et le déplacer. Les portes de la salle des Enchanteurs s’ouvrirent toutes seules devant eux, et se refermèrent ensuite de la même manière une fois qu’ils furent entrés. Keisuke reposa le militaire à terre et se tourna à nouveau vers lui.

« Nous serons plus tranquilles ici pour finir notre discussion. Même si je suis sûr que la patrouille aurait adoré en connaître la teneur… »

Il lui donnait ainsi la raison pour laquelle il l’avait déplacé de manière si cavalière. Il avait senti les gardes approcher. Retrouvant un petit sourire malicieux, Keisuke planta son regard dans celui de son vis à vis.

« Revenons-en à nos moutons. Qu’est ce que je gagnerais à vous aider à sortir d’ici ? »

[Siguen]

Siguen dut se retenir pour ne pas éclater de rire quand il entendit la réponse de son hôte. Il était certainement très fatigué pour pouffer aussi bêtement… Mais le dragon ne semblait pas se formaliser de son hilarité incompréhensible. D’ailleurs, on aurait dit que cette situation quelque peu surréaliste l’amusait énormément. Tant mieux, car le général ne se sentait pas le courage de reprendre un visage sérieux et concentré.

« Noooooon, je sais que j’exagère ! Je ne crois pas du tout que chaque habitant de ce palais ne pense qu’à une chose : boulotter un vampire, ou une autre créature. Non, je suis déjà venu ici assez souvent, en toute sécurité, pour ne plus craindre ce genre de chose. Malheureusement, je ne suis pas en visite officielle aujourd’hui. Alors si l’un de vos collègues me tombe dessus, je n’aurais aucune chance de m’en sortir… Ou peut-être en faisant le mort ? »

Le vampire essaya de ne pas glousser, ne voulant pas avoir l’air de se moquer de lui. Cependant, il ne parvint pas à se retenir totalement, ce qui amena une autre remarque de ce gentil dragon.

« Oui, on me le dit souvent… Du moins, quand on m’entend rire. Ce qui est assez rare, car cela ne fait vraiment pas sérieux… Et ce sera bizarre qu’on me croque alors que c’est moi le vampire, non ? »

Siguen parvint à retrouver son sérieux quant les questions de son interlocuteur se firent plus précises. Non, il ne s’agissait pas d’une affaire confidentielle, pas du tout. Et si tout se déroulait comme il se l’imaginait, pas mal de gens seraient bientôt au courant de cette étrange situation. Certains risquaient d’avaler leur langue fielleuse, et parfois bifide, quand ils comprendraient ce qui se passait ! Pourtant, la surprise ne rendrait pas la chose scandaleuse, sauf pour quelques extrémistes. Au final, il s’agissait plutôt d’une bonne chose. Mais le vampire se voyait mal aborder une affaire encore douloureuse pour lui avec un inconnu.

« Malheureusement, je crois que vous devrez réfréner votre curiosité, car j’ai l’intention de garder ce secret pour moi. Cependant, je pense que vous comprendrez rapidement la raison de ma venue si vous vous intéressez à l’entourage du prince Kyu. »

Siguen regarda le dragon en souriant d’un air innocent, comme s’il n’avait vraiment rien d’autre à lui dire. Evidemment, c’était faux, ce qui ne l’empêcherait pas de rester définitivement muet sur cette histoire. Par contre, le général perçut parfaitement l’allusion de son vis-à-vis, quand il évoqua sa fonction au sein de ce palais.

« Oh, vous me voyez désolé de vous avoir causé autant de tort, maître Shigao ! En tant qu’enchanteur officiel de Shyrokyu, je me doute que cette situation est très certainement difficile pour vous. Veuillez accepter mes excuses les plus plates ! »

Le vampire se montrait ironique et un peu moqueur, mais il ne voulait pas pour autant être désagréable. En fait, il trouvait ce dragon plutôt sympathique, même s’il craignait toujours de le voir changer brusquement de comportement.

*C’est donc lui le premier mage dragon… Eh bien, il est très différent de ce que je m’étais imaginé. Je craignais qu’il soit bien moins fréquentable, par chance ce n’est pas le cas.*

Soudain, Siguen eut l’impression de décoller, au sens propre du terme. Au début, il crut qu’il venait d’être pris d’un nouveau malaise, qu’il allait perdre conscience et s’étaler dans le couloir. Mais il s’aperçut vite que Keisuke avait pris les choses en main, décidant pour lui qu’ils ne devaient pas rester ici. Quand il entendit le bruit de passage de la garde, le vampire comprit pourquoi il avait agi ainsi. D’ailleurs, il se sentit très lourd et fatigué quand le dragon relâcha son pouvoir. Il saisit un tabouret et s’assit dessus pour éviter de s’écrouler sur le sol.

« Merci… » lui répondit-il en souriant. « En tant que général des armées des créatures mythiques, je connais très bien l’efficacité de vos soldats. Mais, je ne sais pas si ceux appartenant au palais m’auraient reconnu… Peut-être aurais-je eu de gros problèmes sans votre aide. Vous avez déjà gagné toute ma reconnaissance. »

Pour un service, le dragon venait de gagner un renseignement. Comment donc cette étrange discussion se poursuivrait-elle.

[Keisuke Shigao]

Ah ben finalement, le vampire était assez sympathique. Keisuke s’amusait comme un petit fou. Et puis, c’était tellement rare de rencontrer quelqu’un qui participait à ses plaisanteries !!! Non parce que même Oyuki ne lui répondait pas autant, même maintenant qu’ils étaient tout à fait à l’aise l’un avec l’autre. Et puis, ça le changeait agréablement de tous ses congénères avec un arbre centenaire coincé là où il le pensait…

Se retenant de glousser, il fit mine de réfléchir.

« Faire le mort… C’est une technique qui peut se révéler efficace contre un animal sauvage, et encore, mais contre un dragon… bah, certains d’entre nous ne se formalisent pas de savoir si leur repas est vivant ou non. Tant qu’il y a de la chaire fraiche… »

Il se tût et regarda avec attention son vis-à-vis.

« Je me demande quel goût peut bien avoir la chaire d’un vampire… N’ayant jamais goûté, je ne peux pas vous dire si vous seriez sauf en faisant le mort… »

Il fut ravi d’entendre le rire du vampire et lui fit le compliment. La réponse l’amusa davantage.

« Chouette lors, j’ai eu le droit à un moment collector ^___^. Quel petit veinard je suis ! Et c’est vrai que ce serait un comble, pour vous… Mais bon, face à un dragon pas vraiment, nous avons un régime alimentaire assez varié et des crocs plus grands… »

Redevenant un minimum sérieux, Keisuke orienta la conversation sur la raison de la présence du vampire en ces lieux plutôt inhospitaliers. La réserve de ce dernier ne l’offusqua pas vraiment. Il se doutait bien depuis le début qu’il n’aurait pas de réponse précise. Cependant, aurait-il eu des oreilles pointues, comme les animaux, qu’elles auraient frétillés en entendant le nom du prince. Cela concernait Kyu ? Voilà qui était intéressant… Très intéressant même. L’idée d’un potin croustillant à se mettre sous la dent lui plaisait grandement. Oh pas pour aller ensuite le répéter à tout le monde, non, il n’était pas comme ça. Mais il aimait bien être au courant de tout, c’était tout… Il allait falloir qu’il enquête. Discrètement, quand même, hein, il n’avait pas non plus envie d’écourter sa vie.

« Je vois… »

Mais il ne fit pas d’autres commentaires. Il avait parfaitement compris que cela ne servirait à rien. Et de toute manière, ils enchainèrent sur un autre sujet. A savoir sa propre responsabilité quant à la défense magique du palais. Décidément, tout cela l’amusait de plus en plus. Les excuses dégoulinantes d’ironie de son vis-à-vis manquèrent le faire glousser à nouveau.

« Rooo, je suis flatté de voir que mon nom est connu jusqu’à chez vous ^_____^. »

Puis il fit mine de redevenir sérieux.

« Mais vous n’avez pas tort. Cette situation est bien fâcheuse pour moi et il va falloir que je prenne des mesures drastiques pour compenser… Et je ne sais pas si vos excuses suffiront… »

Il aurait voulu être un brin plus menaçant mais n’en eut pas vraiment l’occasion. En effet, il avait senti l’approche d’une patrouille et il ne valait mieux pas qu’elle croise son « intrus ». Un petit sort et le vampire se trouva à léviter dans les airs et transporté dans la salle des enchanteurs, dont les portes refermées derrière eux offraient une bonne sécurité.

Il me manqua pas de remarquer la faiblesse qui prit le vampire quant il relâcha son emprise sur lui et il le regarda sans mot dire s’affaler sur le premier tabouret à portée de main. Mouais, il n’était vraiment pas au mieux de sa forme, ce militaire là. Keisuke commençait à craindre qu’il tourne de l’œil devant lui. Mais bon, il semblait tenir bon quand même. Il le remercia même en lui donnant son poste exact. Et là, cela fit tilt dans l’esprit du Dragon. Un sourire plus… draconien étira ses lèvres tandis qu’il posait un regard scrutateur sur son vis-à-vis.

« Il aurait été vraiment dommage que votre carrière se termine ici en même temps que votre vie, n’est ce pas, général Siguen ? »

Le vampire n’était pas le seul à connaître le nom des « personnalités » importantes de chaque royaume. Il laissa son regard glisser le long du corps de Siguen, le détaillant du regard sans soucis de discrétion. Il avait souvent entendu parler du général en chef des armées des créatures mythiques, mais ce n’était qu’à présent qu’il pouvait mettre un visage sur ce nom et ce grade. Eh bien il était bien différent de ce qu’il s’était imaginé. Mais il n’allait pas s’en plaindre, non plus.

« Mais je n’oublierais pas que je possède cette reconnaissance… »

Il réalisa soudain qu’il arborait toujours son expression… pas nette et il adopta un air un peu moins… draconien, un peu plus détendu.

« Enfin bon, vous n’avez pas répondu à ma question. Je pourrais vous aider à sortir d’ici, sans être repéré, mais qu’est ce que je pourrais y gagner ? »

Il s’amusait à garder une expression ambiguë, un petit sourire prédateur aux lèvres. Il ne fallait pas se méprendre, il plaisantait toujours, mais était curieux de voir la réaction de son vis-à-vis. Se retrouver face à un dragon qui pouvait décider de vous croquer à tout moment n’était pas une situation facile, aussi était-il curieux de tester les réactions du général en chef des armées des créatures mythiques…

[Siguen]

Etait-ce à cause de son épuisement ? Ou peut-être parce qu’il connaissait l’identité et la réputation de son « adversaire » ? Toujours est-il que Siguen ne se sentait plus du tout inquiet. Cette situation l’amusait presque autant que son vis-à-vis et il n’avait pas spécialement envie que l’entretien s’arrête maintenant. Cependant, un reste de conscience tentait de l’alerter sur les dangers qu’il courait au sein du palais. Même si ce dragon ne lui voulait aucun mal, il finirait par tomber sur une personne beaucoup moins sympathique que l’enchanteur Keisuke Shigao… De plus, il ignorait combien de temps il résisterait à ses derniers jours de veille. Mais le vampire ne parvenait pas à s’inquiéter pour l’instant. Tout l’amusait, même l’air mi-taquin mi-carnassier de son compagnon.

« Des crocs plus grands ? Vous êtes sûr ? Peut-être n’avez-vous jamais vu de vampire sous sa forme la plus… naturelle dirons-nous… »

La seule fois où Siguen avait perdu son calme au point de se métamorphoser, il avait failli arracher la gorge d’un de ses soldats. Heureusement, il avait réussi à se calmer juste avant que sa main ne broie le cou de sa victime. Le général n’éprouvait aucun remord au souvenir de cette histoire. Après tout, cet homme l’avait bien cherché en s’en prenant à celui qu’il considérait comme son petit frère. Mais Keisuke aurait peut-être été surpris d’assister à ce genre de scène et de voir la taille de ses dents.

« Concernant les mesures draconiennes, il est possible que je puisse vous aider à les prendre. Mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée… Après tout, je ne vous connais pas vraiment, j’ignore si vous avez de bonnes intentions. Cependant, il serait sans doute bon que je vous permette de comprendre ce qui s’est passé. A condition que vous me fassiez confiance bien sûr. »

Lorsque le dragon décida de les soustraire à l’attention des gardes, Siguen ne chercha pas à résister. De toute façon, il n’avait ni l’énergie, ni le temps pour trouver une meilleure solution. Il s’installa plus confortablement, pour parvenir à suivre leur petite discussion jusqu’au bout. Il adressa un sourire poli, mais légèrement moqueur au mage, quand celui-ci se dit flatté que son identité soit aussi connue.

« Je vous en prie ! Il est bien normal qu’une personnage aussi intéressant que vous soit connu par tous les habitants de ce monde. Comment peut-on se permettre d’ignorer d’un être aussi magiquement doué que vous ? Mais j’espère que vous ne serez pas déçu si je vous dis que le nom de Kyu est bien plus célèbre. Par contre, il l’est d’une manière fort différente… »

*Et lorsqu’on apprendra ce que je sais, j’en connais beaucoup qui seront plus que surpris…*

Le visage du vampire se crispa quelques secondes, en pensant aux difficultés qui attendaient son ami Faeris. Certes, le prince dragon était le seul capable de le rendre heureux, mais la vie de l’hybride ne serait pas un long fleuve tranquille au sein du palais de Shyrokyu… Au moins, il ne risquait plus d’être enlevé brutalement par Velyan ou l’un des sous-fifres de Vornel. Siguen se tourna vers Keisuke, un léger sourire aux lèvres.

« Maître Shigao, vous me semblez aussi rapide et discret que puissant. Cependant, il m’est impossible de vous donner quelque chose que je ne possède pas… Vous souhaitez que je vous donne une récompense, mais je ne possède rien qui soit assez précieux pour vous. Surtout sur moi en ce moment. Mais peut-être avez-vous une idée ? Je me ferais un plaisir de vous donnez ce que vous souhaitez, dans la mesure de mes moyens. »

Songeur, le général tourna son visage vers la porte quand il entendit du bruit. Cependant, il ne vit personne oser la pousser pour se permettre d’entrer.

*Il faut que j’arrête de m’inquiéter à chaque instant… Il ne serait pas bon qu’on sache que je suis ici, mais je vois mal quelqu’un rentrer dans cette pièce comme il le ferait dans un moulin.*

Le vampire aurait probablement dû rester concentré sur sa situation, mais cela lui semblait de plus en plus difficile. Sans qu’il ne le veuille, son esprit dériva vers les évènements des derniers jours…

« Vous êtes-vous déjà promené à Koriyu ou à Akiyu ? On y rencontre des personnalités étonnantes de temps en temps. D’ailleurs, juste avant de venir ici, j’ai croisé ce que j’appellerais… l’un de vos collègues. Oui, je pense que l’on peut dire ça comme ça… Et l’un de mes anciens subalternes aussi. La discussion fut quelque peu agitée d’ailleurs. Je suppose que c’est ainsi lorsque l’on reçoit des bouts de son passé en pleine figure. En fait… Cela vous plairait-il de croiser votre alter-ego ? Je ne peux pas vous garantir qu’il accepte de vous rencontrer, mais cela l’intéresserait peut-être. Hélas, s’il refuse, je ne serai pas capable de le forcer. »

Siguen évita de lui dire de qui il s’agissait et que cette personne était le mage capable de vaincre les barrières du palais. D’un autre côté, Shigao pouvait aussi arriver tout seul à ce genre de conclusion. Le vampire s’étira pour soulager ses articulations crispées. Il n’avait pas encore eu le temps de se reposer de sa longue chevauchée et il en supportait les conséquences maintenant.

[Keisuke Shigao]

Décidément, converser avec ce vampire était une acticité follement divertissante. Et on ne peu plus rafraichissante. Ca le changeait agréablement de la compagnie habituelle au sein du château. Il n’y avait en effet pas beaucoup l’occasion de s’y amuser. Ou alors il s’amusait tout seul, arborant son visage de clown. Oyuki était devenu l’une des seules exceptions à ses ennuyeuses journées. Autant dire qu’il appréciait grandement la distraction. Un haut gradé militaire avec un sens de l’humour, franchement, c’était excellent.

Un petit sourire prédateur étira ses lèvres. Il n’avait jamais eu l’occasion de voir de ses propres yeux les vampires sous leur forme « libérée », mais il en avait entendu parlé.

« Oh, serait-ce une proposition, mon cher ? Voilà qui serait on ne peut plus intéressant… »

Il avait utilisée dans son intonation une pointe de provocation sensuelle parfaitement imitée. IL ne flirtait pas réellement, mais il s’amusait comme un petit fou.

« Malgré tout, je serais vraiment surpris si vos crocs dépassaient les miens… »

En effet, sous sa forme de dragon, il était quand même énorme, même s’il n’était certainement pas le plus gros dragon au monde. Il retrouva une expression plus normale avec la suite des paroles de Siguen et son sourire se fit amusé.

« Oh, vous me flattez. Mais rassurez vous, je ne prends nul ombrage au fait que notre illustre Prince soit plus connu que moi. C’est on ne peut plus normal. Et de toute manière, je ne tiens pas à être la personne la plus connue au monde. Je tiens à pouvoir me promener dans les rues sans être harcelé par une foule de fan en délire !! »

Il adopta l’espace d’un instant une expression théâtrale, avant de reprendre une posture plus normale. Il valait mieux qu’il ne se laisse pas trop aller non plus ou il ne pourrait plus s’arrêter. Il ne manqua pas de remarquer la crispation passagère de son « invité » mais ne fit aucun commentaire. Il y avait certaines choses dont on n’avait pas forcément envie de parler avec un inconnu. La remarque suivante du vampire le fit rire et il fit venir à lui une chaise sur laquelle il se laissa tomber, toujours riant.

« Décidément, vous vous y connaissez, en flatterie, général Siguen. Vous tenez tant que ça à ce que je laisse tomber mon fromage, comme dans la fable ? Vous risquez d’attendre longtemps, j’ne ai peur, la flatterie ne marche pas avec moi… »

Il ne reprochait rien à Siguen, bien au contraire, il s’amusait vraiment comme un petit fou. Oh, il ne mentait pas, la flatterie ne menait à rien avec lui, mais il ne prenait nul ombrage des propos du vampire, et ses yeux pétillants devaient l’exprimer autant que son rire et son sourire. Il retrouva ensuite un minimum de sérieux et observa Siguen avec un air calculateur à nouveau absolument pas véridique.

« Je n’ai pas d’idée pour le moment, mais comptez sur moi pour venir réclamer mon due dès que j’aurais trouvé. Je n’ai aucun doute quant à ma capacité à vous retrouver le moment venu… je pense pouvoir compter sur vous pour honorer vos dettes, je me trompe ?»

En effet, même sans magie, il ne serait pas dur de retrouver le général en chef des armées des créatures magiques. Et puis, maintenant qu’il l’avait rencontré en personne, le pister serait un vrai jeu d’enfant pour lui. La suite de la conversation attisa son intérêt. Et il retrouva son sérieux. Un de ses collègues ? Un autre enchanteur ? Voilà qui était intéressant… Il s’agissait probablement de celui qui avait permis à Siguen de s’introduire dans le palais. Ses yeux s e plissèrent tandis qu’il réfléchissait, sérieusement cette fois, un très léger sourire évasif aux lèvres. Peu nombreux étaient ceux capables de passer ses protections. Il était après tout l’un des plus puissants enchanteur de Yamato, sinon il ne serait pas l’enchanteur attitré du palais. Il passa en revue ceux capables de lui poser problème. Il scruta attentivement Siguen, avant de se pencher rapidement vers lui et d’humeur l’atmosphère autour de lui.

Effectivement, en y prêtant attention, il pouvait percevoir la flagrance dégagée par la magie utilisée pour téléporter le vampire. Ce n’était pas une odeur, à proprement parler, et seuls les enchanteurs d’un certain niveau pouvait le percevoir. Il se recula et recommença à réfléchir. Cette flagrance ne lui était pas étrangère. Il avait déjà du croiser l’enchanteur en question, de près ou de loin. Il habitait Koriyu ou Akiyu, lui avait laissé entendre Siguen… cela réduisait les possibilités…

Son expression pensive se dissipa et son sourire refit son apparition.

« J’ai en effet eu le loisir de promener assez souvent dans ces deux contrées. J’apprécie de changer de décors, de temps en temps…. »

C’était un euphémisme, mais il n’allait pas lui dire qu’il rejoignait souvent son amour humain. Et il n’allait certainement pas parler de la maison qu’il possédait hors du royaume des dragons. Même s’il n’avait pas l’occasion d’y aller souvent, c’était tout de même l’un de ses points de chute préférés, quand il partait en « expédition ».

« Je m’étonne que Maître Oran ait accepté de vous aider. Je pensais qu’il ne voulait plus rien avoir à faire avec le palais… »

Il avait appris l’histoire de la famille De Lherrn. Il avait aussi vaguement croisé Oran, même s’il ne savait plus en quelle occasion. Il était plus vieux que Keisuke et le dragon le respectait, ce qui expliquait le « Maître » qu’il utilisait, comme Siguen le faisait avec lui.

« Enfin, quoi qu’il en soit, je comprends mieux comment vous avez fait jusqu’ici. Je serais positivement ravi de converser avec lui, mais je comprendrais très bien qu’il refuse, étant donné que je suis l’enchanteur attitré au palais… »

Il haussa les épaules en soupirant.

« Quoi qu’il en soit, y a-t-il un endroit en particulier où vous voudriez être envoyé, ou dois je vous téléporter à votre point de départ ? »

Oran avait probablement entouré sa demeure de sortilège, et Keisuke trouvait intéressant le fait de comparer leurs magies. Oran avait traversé ses défenses, il voulait lui prouver qu’il n’était pas non plus un amateur. Le tout sans mettre en danger la vie de Siguen, bien sûr.

[Siguen]

Siguen ne put s’empêcher de sourire, en imaginant un concours de crocs entre lui et ce dragon. Ce pourrait être amusant, surtout avec un vampire dont la taille ne dépasserait pas celle de la gueule du dragon. Non, il n’y avait vraiment aucune chance qu’il gagne un prix, à part celui du ridicule.

« Non, je pense que vous avez entièrement raison. Et je n’ai pas très envie de me retrouver face à des dents qui dépassent la taille de ma tête… Même si je suis sûr que vous ne me feriez pas le moindre mal ! »

Le général essaya de visualiser la scène… Mais non. Décidément, ça n’allait pas du tout. Un jeune dragon avait déjà une mâchoire impressionnante, alors un adulte…

*Il faut vraiment que je ne sois pas en forme pour me focaliser sur des trucs aussi idiots.*

Tout en se mordant les lèvres pour contenir son hilarité, Siguen tenta de se concentrer pour suivre les paroles de l’enchanteur. Hélas, il était bien difficile de garder son calme devant les postures grandiloquentes de ce sympathique dragon. Le général faillit lui demander s’il n’avait pas voulu faire un autre métier un jour. Mais cette idée lui passa aussi vite qu’elle était arrivée.

« Personnellement, je vous trouve bien plus intéressant que votre prince. J’ai eu l’occasion de l’approcher il y a peu de temps et je ne peux pas dire que ce fut un plaisir. Aaaaaah, les choses seraient tellement plus simples s’il n’était pas là… »

Le vampire se rappela brusquement à qui il parlait. Il n’était sans doute pas très prudent d’exprimer ce genre de choses devant un des membres les plus importants du royaume de Shyrokyu. Mais il était trop tard pour revenir sur ses paroles maintenant. D’ailleurs, vu le nombre d’insultes et de remarques blessantes qu’il avait lâché devant Kyu, il était inutile qu’il s’inquiète pour une phrase aussi anodine.

« Désolé, je ne devrais pas exprimer mes pensées à voix haute… Ce n’est guère professionnel de ma part. Mais vous avez tort de croire que je cherche à vous flatter. Ne pensez-vous donc pas que vos qualités méritent que l’on vous accorde de nombreux éloges ? A votre place, j’accepterai les compliments sans rechigner, car vous y avez tout à fait droit. »

Siguen avait dit cette phrase d’un air innocent, comme s’il parlait de la pluie et du beau temps. Cependant, il se demanderait comment réagirait devant de nouveaux compliments quelque peu exagérés… Se mettrait-il en colère et lui montrerait-il ses crocs immenses ? Non, il y avait peu de risques ! Si maître Shigao avait été du genre irascible, le général s’en serait rendu compte depuis longtemps. Par contre, peut-être croyait-il réellement que Siguen voulait atteindre un but précis et secret en se montrant aussi obséquieux ? Pourtant, ce n’était pas le cas, puisque qu’il ne faisait plus vraiment attention à ce qu’il disait. D’ailleurs, il oublia bien vite que son comportement pouvait paraître bizarre ou suspect, du moins pour quelqu’un de plus strict que son interlocuteur.

« J’ai toujours honoré mes dettes ! » Répondit-il avec enthousiasme. « J’ai hâte de savoir ce que vous allez me demander… Je suis sûr que ce sera très distrayant, comme vous ! » Ajouta-t-il avec un grand sourire légèrement stupide.

« Ah ? Je suis heureux d’apprendre que vous appréciez aussi la région de Koriyu et d’Akiyu. Il y a tant de dragons qui ne veulent même pas traverser la frontière, uniquement par dégoût des autres habitants… Mais ce genre d’attitude m’aurait étonné de votre part. Si le cœur vous en dit, je serais ravi de vous servir de guide à l’occasion. A vous ou à toute personne qui souhaiterait vous accompagner… »

Siguen ne fut pas surpris lorsque Keisuke devina qui l’avait amené jusqu’ici. En dépit de son isolement, Oran ne pouvait être que connu par l’enchanteur officiel de Shyrokyu. Mais beaucoup de gens avaient dû l’oublier depuis son départ du royaume… Le général espérait que son implication dans cette affaire resterait secrète, car il ne voulait pas lui causer d’ennuis. Cependant, il avait entièrement confiance en son interlocuteur.

« En fait, nous nous sommes retrouvés tous les deux dans une situation difficile… Ou plus exactement, c’est l’une de nos connaissances communes qui avait grand besoin d’aide… Mais je ne pensais pas arriver ici de façon aussi cavalière ! » Ajouta-t-il en souriant.

Il préféra garder les détails pour lui, même s’il se doutait que Keisuke comprendrait rapidement ce qui avait pu se passer. A moins que Kyu ne dissimule la venue de Faeris, en massacrant consciencieusement ceux qui l’avaient croisé, des rumeurs finiraient par circuler sur la présence d’un hybride au sein du palais. A moins que le prince n’officialise la présence de son compagnon ?

*Je crois que ce serait la meilleure solution, en admettant que cette brute y consente…*

Durant quelques secondes, le vampire resta plongé dans des pensées peu réjouissantes. Son visage inquiet reflétait bien son état d’esprit. Et sa fatigue avait tendance à donner une teinte sinistre à chaque événement… Mais il releva brusquement la tête quand l’enchanteur lui demanda où il voulait aller.

« Hmmm… Cela fait des heures que je rêve de rentrer chez moi, à la base militaire. Mais je sais qu’elle est vraiment très loin d’ici… Peut-être préfériez-vous m’envoyer à un autre endroit, moins difficile d’accès ? Si je parvenais à passer la frontière sans encombre, je serais déjà soulagé d’un grand poids ! »

Siguen se tut quelques instants, avant de continuer d’un ton plus sérieux.

« Je comprends que vous vouliez rencontrer Maître Oran de Lhern. Je pense que cela ne lui posera pas de problème, mais… Peut-être serait-il bon de lui envoyer un message pour l’avertir de votre venue ? Je ne suis pas son ami, seules les circonstances nous ont rapprochés. Je ne crois pas que ce soit un mauvais homme et je pense qu’il ne vous ferait aucun mal si vous arriviez opinément chez lui… Cependant, je ne sais pas s’il apprécierait. D’un autre côté, je ne le connais pas assez pour être sûr de sa réaction. »

[Keisuke Shigao]

Et Siguen qui continuait avec sa tirade de compliments ! Franchement, à ce rythme, Keisuke n’allait plus pouvoir passer les portes ! Heureusement qu’il connaissait des sorts pour les élargir, s’il devait en arriver là. Mais bon, on n’en était pas là non plus, et le dragon s’amusait plus de tout ça qu’il ne le prenait au pied de la lettre. Après tout, il avait l’habitude qu’on le flatte, souvent pour de mauvaises raisons, et cela lui glissait sur les écailles comme de l’eau sur le plumage d’un oiseau.

Néanmoins, Keisuke se fit un peu plus sérieux quand le vampire fit allusion à Kyu. Son attitude se fit moins exubérante, mais un léger sourire flottait toujours sur ses lèvres.

« Vous ne semblez pas vraiment apprécier mon prince… »
Il n’y avait pas de trace d’amusement dans sa voix, mais nulle menace non plus. Keisuke ne faisait qu’exprimer son opinion, sans porter le moindre jugement. Il savait pertinemment que Kyu était loin d’être populaire partout. Au château même, les avis étaient partagés. Lui-même était assez partagé en la matière, même s’il n’avait pas son mot à dire. Il était l’enchanteur du palais royal. Il devait allégeance et loyauté à la famille régnante. Ce qui ne l’empêcherait nullement d’expriment sa désapprobation, de manière respectueuse bien sûr, si une décision réellement injuste ou cruelle venait à être prise. Mais le Roi était un être bon, aussi n’avait-il à le faire qu’extrêmement rarement. Il se décida néanmoins à rassurer Siguen sur ce qu’il pensait.

« Vous n’avez rien à vous reprocher. Chacun est libre de ses opinions et je ne vous ferrai aucune critique si vous les exprimez devant moi. Evitez juste de le crier dans les couloirs, ici, mais cela m’étonnerais que vous soyez assez suicidaire pour ça… »

Il avait retrouvé son humour sur la fin, et ses yeux pétillaient à nouveau de malice. Surtout que Siguen en avait remis une couche avec les compliments.

« Oh, mais je sais que je suis une merveille mondiale !! Mais que voulez vous, ma maman m’a toujours dit qu’il fallait savoir être modeste, sinon on risque de se faire beaucoup d’ennemis. Et j’ai toujours écouté ma maman ! »

L’enchanteur avait reprit son rôle de clown, même s’il arborait une expression exagérément innocente et naïve sur sa tirade. Ce n’était un mensonge. Ses parents lui avaient bel et bien appris à ne pas se laisser aller à l’orgueil et la vantardise, ce qui avait causé la perte de beaucoup de monde. C’était grâce à la sagesse de ses parents qu’il avait pu devenir ce qu’il était aujourd’hui, et il leur en serait éternellement reconnaissant. Il n’avait néanmoins pas envie de s’étendre sur le sujet de ses parents et passa à autre chose, évoquant la dette que Siguen allait avoir à son encontre s’il l’aidait à sortir d’ici. Oh, pas que Keisuke désirait réellement quelque chose en échange de son aide, mais cela l’amusait et il était curieux de voir ce que Siguen serait prêt à faire pour rembourser sa dette. Oh, il ne lui demanderait rien d’impossible ou de dangereux. Mais il y réfléchirait bien. Mais les paroles de Siguen ne l’aidaient pas à garder son sérieux. Il prit néanmoins une expression légèrement prédatrice sans être menaçante.

« Distrayant ? Prenez garde, monsieur le général en chef des armées, il existe de nombreuses choses ‘distrayantes ’. Vous pourriez être amené à payer de votre personne, et croyez moi, cela pourrait être on ne peut plus distrayant. Pour moi, tout du moins… »

Il avait ponctué son affirmation d’un regard appréciateur sur le corps de son vis-à-vis tout en se léchant doucement les lèvres, comme savourant d’avance. Jamais Keisuke ne demanderait une telle chose. Il était après tout on ne peut plus fidèle à son Oyu-chan. Mais cela, le vampire n’était pas obligé de le savoir. Ce serait moins amusant.

Mais le sujet changea à nouveau et Keisuke reprit son expression habituelle, amusée et malicieuse, tandis que Siguen abordait le sujet des autres territoires.

« Il est vrai que bon nombre de mes frères n’aiment pas trop les autres pays, mais ce n’est pas mon cas. Je ne trouve nullement les autres espèces inférieures, et je prends sincèrement plaisir à converser avec un humain ou une autre créature magique, quand l’occasion se présente. Partager et échanger avec les autres, voilà qui fait vraiment une grande partie de la vie ! »

Là, il faisait par de profondes convictions. Ils adoraient vraiment bavarder avec les autres peuples. Même s’il lui fallait souvent dissimuler qu’il était un dragon, ce qu’il regrettait sincèrement.

« Et pour ce qui est de votre offre, je ne l’oublierai pas. Mais ne pensez pas que cela épongera votre dette, hein ! Vous ne vous en sortirez pas aussi facilement !»

Il n’avait pu retenir sa dernière boutade, c’était plus fort que lui. Il se demanda néanmoins si Oyuki accepterait de faire cette visite avec lui. L’ironie de la situation serait tordante. Un voleur escorté par un militaire haut gradé pour une petite visite touristique. Il allait garder cette idée dans un coin de son esprit.

La conversation dévia à nouveau, et ils en revinrent à la raison de la présence du vampire en ces lieux et surtout à la personne qui lui avait permis d’arriver ici.

« Ne craignez rien. Je n’ai nullement l’intention de débarquer à l’improviste et non annoncé. Moi-même, j’apprécie moyennement ce genre de comportement chez moi. Je n’irai nullement importuner un collègue s’il ne désire pas me rencontrer. Je me ferrais une raison. »

Il versa quelques larmes de crocodile avant de revenir à la raison principale de Siguen dans sa salle de magie.

« Oh, je me doute fort bien que vous désirez rentrer chez vous. Prendre un bon bain, une bonne collation… C’est un programme qui ferrait rêver chacun après une journée forte en rebondissements. »

Keisuke se leva de sa chaise et commença à tourner autour de Siguen, comme un prédateur autour de sa proie. Il fit durer son petit manège un moment, avant de revenir se poster face au vampire, son petit sourire moqueur toujours aux lèvres.

« Ma foi, je pense être en mesure de vous aider. Allons-y. »


Il retroussa ses manches de manière presque théâtrale, et recommença à tourner autour du vampire.

« Je vais vous demander de penser très fort au lieu où vous voulez arriver. Je connais plus ou moins la disposition de la caserne, mais il serait dommage de vous matérialiser dans un mur, non ? Donc vous allez m’aider. Je vais ouvrir un vortex magique et vous faire voyager jusqu’au lieu où voulez aller. Vos pensées aideront la magie à répondre efficacement à votre attente. »

Il s’immobilisa à nouveau devant Siguen et commença à rassembler sa magie.

« Vous pouvez fermes les yeux, si cela vous est plus facile, mais surtout restez concentré. »

L’enchanteur commença une incantation, laissant sa magie s’échapper de son corps en longs rubans d’énergie, s’enroulant progressivement autour de Siguen.

« Cela ne durera pas longtemps, rassurez vous. Il ne me reste qu’à vous souhaiter un bon voyage et un bon retour chez vous. A très bientôt ^^ »

Et sur ce dernier salut, Keisuke ouvrit le vortex et y plongea le vampire qui disparut soudainement. Le dragon maintint sa concentration encore un moment, puis, une fois sûr que le vampire était bien arrivé à destination, il mit fin à l’enchantement. L’immense salle était à présent vide et silencieuse. Mais Keisuke s’était bien amusé. Son estomac se manifesta soudain bruyamment. Oui, un bon repas, voilà ce qu’il lui fallait à présent. Le pas presque dansant, Keisuke gagna ses appartements, tout en réfléchissant à ce qu’il pourrait bien demander à Siguen la prochaine fois qu’ils se croiseraient.

[Siguen]

« Non, je ne suis pas fou au point de critiquer effrontément le prince héritier. Je serais certainement déjà mort si j'avais eu le malheur d'exprimer mes pensées à voix haute. Quoique... Aujourd'hui, il doit savoir de ce que je pense de lui. Heureusement, notre conversation a très, très peu de chances de s'ébruiter. »

En réalité, il se demandait comment Kyu se conduirait s'ils se rencontraient à nouveau. Sans doute ne ferait-il pas de scandale au cours d'une cérémonie officielle... Ou peut-être se vengerait-il s'il devenait roi un jour ? Mais Siguen n'était pas sûr qu'il soit toujours en tête de la liste de succession. A moins qu’il ne se retienne en raison de ses sentiments envers Faeris ? Mouais… Le vampire n’y croyait pas du tout.

*Bah, je ne devrais pas m'inquiéter à l'avance. On verra bien ! D'ici là, il peut m'arriver tant de choses...*

Par exemple de devenir la proie d’un enchanteur légèrement lubrique, si l’on en croyait l’expression gourmande de Keisuke. Le général prit un air oscillant entre le désespoir et la résignation, comme s’il acceptait déjà son sort.

« S’il le faut… Je serais bien impoli de refuser, après tout ce que vous avez fait pour moi. Au fond, je dois m’estimer chanceux de me retrouver en un seul morceau. Donc, si vous tenez à ce que je me sacrifie… »

Siguen semblait siiiiiiii malheureux en cet instant, siiiiiiiii angoissé à l’idée de servir de menu à une créature aussi puissante. En fait, il en faisait beaucoup trop pour que cela soit crédible. Le général ne craignait pas vraiment la prétendue perversité de ce dragon. Si maître Shigao l’avait voulu, il aurait déjà pu donner libre cours à ses envies les plus douteuses. Aussi fort soit-il, Siguen n’était pas capable de résister à un dragon de cette puissance. Aucun vampire ne le pouvait. Finalement, le général sourit légèrement, preuve qu’il n’avait pas pris au sérieux les menaces de votre hôte. Du moins pas assez pour qu’elles l’inquiètent.

« Votre maman vous a très bien élevé ! Cependant, même si je suis terriblement déçu de ne pouvoir échanger que quelques paroles avec une merveille telle que vous, vous comprendrez que je réfléchisse plus longuement à un paiement éventuel. Hélas, je ne suis pas une personne très intéressante… Je vous assure que vous regretteriez votre choix. »

Siguen ne pouvait qu’approuver la façon dont Keisuke considérait les autres peuples. Lui-même venait d’un royaume où les habitants ne se montraient guère amicaux envers les gens différents. Pourtant, le vampire n’avait jamais adhérer à ces idées sinistres, qui avaient causé beaucoup de tort à son pays. Et ce n’était pas leur roi actuel qui arrangerait les choses, au contraire ! Dire que Velyan était pratiquement en adoration devant lui…

« Malheureusement, tout le monde ne pense pas comme vous… » Répondit-il d’un air sombre. « Mais je trouve que ce royaume reste tolérant comparé à… d’autres endroits. »

Le général prit un air plus joyeux lorsque l’enchanteur lui parla d’Oran.

« Mais je suis certain que maître De Lhern serait heureux de discuter avec vous. Cependant, je ne suis pas sûr qu’il ait envie de voir des étrangers en ce moment. Il s’est longtemps occupé d’un de mes amis malades, aussi il doit être soulagé d’avoir retrouvé une vie plus calme. »

Siguen évita de préciser que l’ami en question filait en ce moment le parfait amour avec le dragon le plus cruel et le plus xénophobe de Yamato no Orochi. Cependant, Kyu perdrait certainement ce titre lorsqu’on apprendrait qu’il avait choisi pour compagnon… un hybride. Le vampire espérait que tout ceci ne causerait pas de tort à Faeris. Il avait déjà bien assez souffert comme ça !

Intrigué, le général observa Keisuke, tandis qu’il tournait autour de lui. Avait-il finalement l’intention de l’attaquer ? Siguen s’était-il montré imprudent en lui accordant trop de confiance ? Heureusement non. A première vue, ces circonvolutions faisaient parti de l’enchantement qui permettrait au pauvre intrus de retourner dans sa base militaire adorée. Le vampire écouta avec attention les paroles de l’enchanteur. Il ferma les yeux pour améliorer sa concentration.

*Penser au lieu où je veux aller… La base… Mon bureau… Oui, je vais me concentrer là-dessus…*

Le problème est que le visage de Yashura ne cessait de se superposer aux images de la base militaire. Yashura dans la cour, entraînant de nouvelles recrues… Yashura dans la prison, le jour de son arrivée… Yashura sur le toit, quand il lui avait avoué ses sentiments… Yashura dans son bureau, qui lui remettait un rapport… Yashura dans son lit, en train de… Oh non, nooooooon ! Ne pas penser à ça maintenant ! Surtout pas !

« Dites, c’est grave si je pense à une personne au lieu d’… »

Siguen n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Soudain, il se sentit aspiré par un énorme tourbillon qui l’envoya loin, loin… Il fit un effort pour garder conscience, mais son esprit semblait aller tellement plus vite que son corps… Comment tout ceci allait-il se terminer ?

[L'atterrissage a lieu .]