Retour difficile [Keisuke/Siguen]

[Keisuke Shigao]

Noir. Tout était noir. Et silencieux. Le tout de manière anormale. Même au plus noir de la nuit, même au plus paisible des instants, il y avait toujours quelques nuances de noir, ainsi que divers sons, même infimes. Mais non. Rien. Le néant absolu… Et cela commençait à légèrement l’agacer. Voir l’effrayer… Etait-il mort ? Il ne se rappelait pas avoir affronté une situation qui l’aurait conduit à cela, mais… Non, il ne devait pas être mort. Car l’autre monde ne devait certainement pas ressembler à ça. Non, l’autre monde, où séjournait sa famille, devait être un monde de couleur et de paix. Pas cet odieux néant. Il n’était pas mort, donc… mais dans ce cas là… Dans quel pétrin s’était-il donc fourré ?


Finalement, il perçut quelque chose. Plusieurs choses même, et presque simultanément. L’obscurité s’éclaircit légèrement, adoptant des teintes… verdâtres ? Aller, disons cela à défaut de mieux. Il y avait également des sons qu’il ne parvenait pas vraiment à identifier…. Mais en plus de cela… Il y avait l’odeur. Une odeur forte et particulièrement désagréable, voir carrément nauséabonde qui sembla s’enrouler autour de lui avec pour but avoué de l’asphyxier. Charmant vraiment. Mais cette odeur… Elle lui rappelait vaguement quelque chose… Quelque chose de dangereux, de…

Keisuke ouvrit soudain les yeux. Mais cela ne changea pas grand-chose à l’affaire. Le monde qui l’entourait était toujours verdâtres, humide, et à l’odeur nauséabonde. Et son corps était lourd, si lourd… Quand à sa tête… elle lui faisait un mal de chien. Comme si tous les dragons de Shirokyu avaient décidé de donner un concert de rugissement à l’intérieur. Par tous les esprits, qu’est ce que c’était que cette histoire ? Il tenta de bouger, mais la sensation autour de ses pattes arrières, car oui, il se trouvait en plus sous sa forme de dragon, était étrange. Il redressa tant bien que mal la tête et tourna le cou pour voir ce qu’il se passait. Il se figea. Sa queue et ses pattes arrière disparaissaient en grande partie dans… de la boue et de l’eau ? Et finalement, les neurones de Keisuke se reconnectèrent un tant soit peu et il comprit ce qu’il se passait et où il était.

Koshou. Il se trouvait dans les marécages qui bordaient la frontière entre Koriyu et Akiyu. Et son corps était présentement en train de se faire enlise rprogressivement dans des « sables mouvants » version marécages.

L’inquiétude le secoua et il rassembla ses forces pour s’extirper de là. Ses pattes avant d’enfoncèrent dans la… boue un peu plus sûre devant lui et ses ailes battirent l’air, mais il dut finalement faire appel à un peu de magie pour échapper au piège qui aurait pu être mortel s’il ne s’était pas éveillé à temps. Epuisé et affaibli, il lutta pour prendre un peu d’altitude et s’éloigner de cette zone dangereuse. Il n’aurait pas la force de regagner le pays des dragons, pas tout de suite, mais il devait déjà s’éloigner de là.

Son vol fut loin d’être gracieux et il perdit de l’altitude à de nombreuses reprises, mais finalement, après ce qui lui sembla une éternité, il parvint à gagner la lisière des marécages. Le soulagement lui sapa ses forces et il ne put qu’amortir légèrement sa chute tandis qu’il s’écrasait sans la moindre grâce au sol. Il était sauvé. Plus ou moins. Mais ce n’était pas fini, visiblement… Il entendit un cri, non loin, et parvint à ouvrir les yeux, juste à temps pour voir une créature dont il ne parvint pas à distinguer l’espace dans l’état comateux dans lequel il se trouvait, s’enfuir à toute vitesse. Merveilleux. Il était probablement allé donner l’alarme. Un dragon à Koriyu n’était pas toujours le bienvenu. Bah, il arrivait encore à faire de l’ironie. Il allait s’en sortir, sûrement…

En attendant, il n’avait pas encore la force de bouger et encore moins de quitter les lieux. Il avait un peu de temps normalement avant de voir rappliquer les gardes, il prit donc le temps de réfléchir. Ou du moins d’essayer de réfléchir. Comment avait-il donc atterri au beau milieu des marécages ? Il n’en avait pas la moindre idée ! Son esprit semblait un trou béant pas vraiment disposé à lui fournir quelque information que ce soit. Fabuleux. Vraiment… Il raffolait vraiment de ce genre de réveil…

Après un temps incertain, il parvint à se redresser légèrement et se concentra pour reprendre forme humaine. Il n’aurait pas la force de s’envoler, alors autant paraitre le moins dangereux possible. Cela lui donnerait peut être une chance de s’en sortir… Son corps se mit à trembler et l’espace d’un instant, il craignit de ne pas parvenir à prendre forme humaine. Mais finalement, ses écailles brillèrent, son corps entier frissonna… et un jeune homme blond apparut dans un flash aveuglant. Un jeune homme blond aux vêtements déchirés, et au corps couvert de boue. Merveilleux… Vraiment. Il ne chercha pas à retoucher son apparence par magie. Il préférait économiser ses forces pour des choses bien plus importantes.

Dans un geste instinctif, et tandis qu’il s’adossait à un arbre qui avait réchappé à la chute violente d’un gros dragon blanc, keisuke porta la main à son cour et caressa la griffe qui y était pendu. Mais il se figea en sentant ses doigts glisser sur autre chose. Il baissa les yeux et remarqua qu’un autre collier ornait son cou. Une fine chaine en argent, à laquelle était pendue une magnifique larme de cristal. Keisuke haussa les sourcils. Allons bon, c’était nouveau ça ?? Ses doigts glissèrent dans le bijou et une douce chaleur sembla remonter le long de son bras. Il ne se souvenait pas d’avoir eu un tel bijou…et pourtant, ce dernier semblait à sa place. Et quelque chose, en Keisuke, lui soufflait que ce cristal était important… Mais il n’arrivait pas à se souvenir de comment il l’avait eu… Et cela le frustrait grandement !

Mais il n’eut pas vraiment l’occasion de s’y attarder d’avantage. En effet, il n’était plus seul. Il sentait des présences approcher. Son comité d’accueil finalement arrivé, visiblement. Il tenta de se redresser d’avantage, sans grand résultat. Bon, eh bien, en piste…

[Siguen]

Ce jour-là, Siguen avait reçu une nouvelle mission qui devait le mener au sein du royaume Démon. Des créatures inconnues et particulièrement dangereuses avaient été signalées aux alentours des marais de Koshou. D’après les descriptions, il s’agissait de gros reptiles ressemblant à des varans, mais dont la taille atteignait bien celle d’un bœuf. Ils semblaient sortir de la forêt Tosyou et ils avaient déjà traversé les marécages. Quelques démons avaient déjà été attaqués par cet effrayant troupeau, au point que plusieurs villages avaient été entièrement évacués. Le Seigneur Démon craignait de ne pas pouvoir contrôler cette menace avec sa seule garde. On avait donc fait appel en urgence à l’armée de Koriyu.

Siguen s’était levé très tôt, vers les cinq heures, pour organiser cette expédition. Il avait laissé la responsabilité de la base militaire au colonel Yashura, en qui il avait une entière confiance. Il savait que son compagnon serait à la hauteur de la tâche et saurait diriger la base militaire, si par malheur il ne revenait pas. Le général ne croyait pas réellement qu’il finirait dans l’estomac d’un varan géant, mais il préférait envisager toutes les éventualités. Leurs adieux furent rapides, un peu trop au goût du vampire. Malheureusement, il devait partir rapidement pour atteindre le chemin magique qui leur permettrait de traverser Koriyu en moins de deux heures. Siguen n’avait même pas eu le temps d’aller voir son petit frère Shinzô avant son départ. D’un autre côté, il valait mieux que la petite nymphe ne connaisse pas le but de son voyage.

« Si tout va bien, nous devrions régler le problème dans les deux jours », annonça-t-il à Yashura. « Au cas où nous rencontrerions un danger plus grave que prévu, il faudra sans doute faire appel à Shyrokyu… Les Seigneurs ne veulent pas s’adresser aux dirigeants Dragons, ce que je comprends très bien. L’absence de Shyro ne faciliterait pas les choses, même si Kyu semble avoir plus de plomb dans la tête aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, nous ferons tout notre possible pour supprimer tous ces monstres nous-mêmes. »

Sans prévenir, Siguen enlaça son amant et l’embrassa passionnément. Si c’était la dernière fois… Mais il ne devait pas y penser, pas maintenant. Pas quand il allait affronter un tel danger avec ses hommes. Quelques minutes plus tard, il sortait de son bureau pour prendre la tête de l’expédition. Le vampire sentait une forte tension parmi les soldats, même si ces derniers avançaient d’un pas décidé. Ils ne savaient pas exactement ce qu’ils allaient trouver, ou s’ils réussiraient à revenir. Il avait d’ailleurs été décidé que les soldats se déplaceraient à pied, pour éviter que les chevaux ne paniquent devant les monstres.

*Nous y voilà ! Songea Siguen en voyant apparaître le paysage désolée de Koshou. *Bon… Pour l’instant, je ne vois r…*

Soudain, une masse énorme jaillit sur le côté gauche du chemin magique. Le général sortit aussitôt la longue épée qui battait contre son flanc gauche. La première créature bondit vers le groupe de soldats, la gueule béante. Le vampire vit une série de dents acérées foncer vers lui, mais il ne recula pas. Il devait faire face pour les hommes, et les femmes, qui se trouvaient sous ses ordres. Au dernier moment, il se jeta du côté droit tout en plongeant son épée vers la gorge de la bête. Un glapissement suraigu, suivi d’un flot de sang noir, lui annonça qu’il avait touché juste. Mais il s’en fallut de peu pour que l’arme ne reste plantée dans la chair du varan.

« La gorge ! » Hurla-t-il. « Visez-la en premier ! »

Le général réussit à ralentir plusieurs monstres en tranchant leurs tendons. Malheureusement, le dos, le ventre ou les pattes semblaient cuirassées. Et un seul coup suffisait rarement pour les achever… Le combat devint de plus en plus difficile, à mesure que de nouveaux varans se jetaient dans la mêlée. Mais les soldats étaient heureusement nombreux, ce qui leur permit de faire face. Rapidement, Siguen perdit la notion du temps. Se battaient-ils depuis des heures ? Sans doute, car le soleil haut dans le ciel au début du combat commençait à baisser. Finalement, le vampire ne vit plus rien à frapper ou à massacrer. Quelques varans tentaient de s’enfuir en couinant, mais les soldats ne comptaient pas les laisser s’échapper.

*C’est fini… Terminé… On a gagné…*

Siguen s’essuya maladroitement le visage, aussi couvert de sang noir que le reste de sa personne. Il ne se rendait même plus compte qu’il était imprégné de l’odeur fétide des monstres. Soudain, un de ses soldats s’approcha de lui et se mit au garde-à-vous.

« Repos soldat. Toutes mes félicitations, à vous tous ! Je vois que vous n’en avez pas laissé un seul. A présent, nous devons penser aux blessés en premier. Et aux morts…

- Merci mon général. Nous avons commencé à nous en charger. Mais nous avons aussi trouvé un inconnu près des marais. Il me paraît impossible qu’il ait été attaqué par les varans, car il n’aurait sans doute pas survécu sans arme. Pourtant, il a l’air blessé… Ou malade… Peut-être a-t-il été victime d’une agression ?

- Vraiment ? C’est étrange… Qui diable s’égarerait ici en ce moment… Conduisez-moi à lui. »

Siguen essuya son épée avec soin dans son uniforme avant de la ranger dans son fourreau. Vu l’état de ses vêtements, il n’était plus à une tache près. Il suivit son subordonné qu’il le mena jusqu’à une silhouette épuisée, qui s’appuyait contre un arbre.

*Tiens, étrange… Je crois que je le reconnais. Mais… Mais oui ! C’est lui !*

Très surpris, Siguen se précipita vers l’homme qui semblait sur le point de s’écrouler. Par réflexe, il le saisit par le bras gauche, oubliant que sa main était encore pleine du sang des varans.

« Maître Shigao ? Maître Keisuke Shigao ? Que vous est-il arrivé ? Etes-vous blessé quelque part ? Vous avez l’air mal en point… Vous devriez rester tranquille ou vous risquez de vous écrouler. Nous allons vous aider, ne vous inquiétez pas. Nous allons vous soigner et vous ramener chez vous, au palais de Shyrokyu. »

[Keisuke Shigao]

Malgré sa fatigue, ses sens embrumés, toujours plus aiguisés que ceux d’un humain, lui fournirent quelques informations avant même que les nouveaux arrivants ne soient à portée de vue. S’il ne pouvait en deviner le nombre avec exactitude, il sentait parfaitement l’odeur puissante du sang. Mais pas humain, ça, il en était persuadé. Il l’avait suffisamment fait couler pendant la guerre pour en être sûr. Un groupe couvert de sang donc, mais dessous cette odeur entêtante il percevait, avec plus de difficultés, une autre flagrance qui pourrait le renseigner sur l’espèce exacte des nouveaux venus. Mais il était un peu trop affaibli et le sang était trop fort pour qu’il parvienne à deviner. Du moins, le temps que l’individu de tête se rapproche suffisamment de lui pour que sa magie, qui malgré sa faiblesse s’était mise en mode défense, l’identifie plus clairement. Un vampire. Génial… Il aurait peut être du garder sa forme de dragon, au final. Les crocs n’auraient pas pu passer au travers de ses écailles…

Une bien pâle copie de son sourire habituel en place, Keisuke observa le vampire s’approcher de lui. Bien bien bien, comment allait-il réussir à éviter de servir de cocktail ? Et en plus, le vampire semblait affamé, vu la vitesse avec laquelle il venait vers lui ! Hmm, il allait éviter l’humour noir. L’humour tout court était préférable. Bon, réfléchir à un moyen de régler pacifiquement cette situation… essayer de se remettre debout déjà… Une deux… mauvais idée. Tout ce qu’il réussit à faire, ce fut de chanceler et d’aller redire bonjour au sol. Enfin, c’était ce qu’il aurait fait, si une poigne ferme sans être menaçante ne l’avait pas rattrapé et stabilisé. Ses yeux s’arrondirent légèrement quand le vampire s’adresse à lui… avec inquiétude, tout en l’appelant par son nom !! Et en plus il lui proposait de le raccompagner au palais !

Par les esprits, pour une surprise. Alors que le vampire le forçait à se rasseoir, sans trop avoir à insister il fallait bien l’avouer, Keisuke tenta de reprendre un peu d’entrain afin de répondre.

« Merci bien. Il est vrai que je ne suis pas vraiment dans mon état normal… »

Bon, il avait réussi à faire une phrase, même si l’entrain et l’humour qu’il avait voulu y mettre n’étaient pas vraiment convaincants. Aller, nouvelle tentative, parce qu’il était Keisuke Shigao et qu’il avait une réputation à tenir.

« Fiuuu, je suis une célébrité, dites moi, si je suis connu et reconnu jusqu’ici ! »

Voilà, c’était déjà un peu plus convaincant. Toujours un peu faible, mais déjà mieux. Il laissa son regard se promener rapidement sur le vampire, essayant de se souvenir s’il l’avait déjà croisé. Il portait une tenue de militaire, couverte de taches et de sang, certes, mais toujours reconnaissable. Un militaire vampire… Hmm, cela lui laissait plusieurs possibilités, mais rien de plus concret. Bon, eh bien il ne lui restait plus qu’une option…

« J’ai bien peur de ne malheureusement pas vous connaître… A qui ai-je l’honneur ? »

Ola, la tête recommençait à lui tourner. Il s’appuya un peu plus contre le tronc, verrouillant son expression pour que rien ne trahisse d’avantage sa faiblesse. Un repas gargantuesque et un peu de repos, et cela devrait aller mieux, mais en attendant…

[Siguen]

Siguen regarda avec inquiétude l’enchanteur s’asseoir au pied de l’arbre. Le malheureux semblait à bout de forces, ce qui était plutôt surprenant lorsque l’on connaissait sa nature de dragon. Il avait dû vivre des heures très dures pour être épuisé à ce point. Le général s’accroupit auprès de Keisuke et le prit doucement par l’épaule, craignant de le voir basculer sur le côté.

« Ne vous inquiétez pas, vous êtes en sécurité à présent. J’ignore ce qui vous est arrivé, mais nous allons vous protéger et vous ramener chez vous. »

Le vampire fut surpris par la question du mage. Etrange qu’il ne se souvienne pas de lui…

*C’est même impossible. Il me connaissait déjà de vue avant notre rencontre dans les couloirs du palais. Tout cela ne me dit rien qui vaille…*

Cependant, Siguen ne voulait pas perturber l’enchanteur avec ses questions. Pour l’instant, le dragon avait surtout besoin de soins et de repos.

« Je me nomme Siguen, je suis général des armées de Koriyu. Mon nom vous rappelle peut-être quelque chose. Nous avons eu l’occasion de discuter longuement il y a quelques mois… Mais ce n’est pas très important. Vous aurez tout le temps d’y penser lorsque vous serez à l’abri. »

Quand il fut certain que Keisuke n’allait pas s’effondrer sur le sol, Siguen le lâcha et se releva. Il interpella un de ses hommes qui se mit au garde-à-vous.

« Vous avez commencé à préparer des brancards pour les soldats les plus touchés ? C’est parfait. Fabriquez-en un aussi pour messire Shigao, qui n’est pas en état de marcher. Pour les morts… Je ne crois pas que nous puissions les emporter. Il n’y a plus assez d’hommes valides pour les transporter. Les blessés restent prioritaires. Vous allez envoyer un messager au village voisin pour leur demander de venir chercher leurs dépouilles. Je connais les gens qui y vivent, je pense qu’il n’y aura aucun problème. Et faites en sorte que messire Shigao ne se retrouve pas seul. A aucun moment ! »

*On dirait qu’il est devenu amnésique… Est-il prudent de le ramener chez lui dans ces conditions ?*

Le vampire ne savait pas qui avait pu attaquer l’enchanteur. Peut-être avait-il fait une grave erreur au cours d’une expérience ? Mais si quelqu’un avait vraiment essayé d’attenter à sa vie, cela s’était peut-être produit à Shyrokyu. Par conséquent, il serait en danger s’il le ramenait au palais. Siguen s’était éloigné de Keisuke pour donner quelques ordres à ses soldats. Il revint vers le dragon, espérant que celui-ci serait d’accord avec son idée.

« Votre brancard est presque terminé. Il ne sera pas très confortable, mais nous n’avons guère que des branches et des feuilles par ici. Je pensais vous ramener à Shyrokyu, cependant… Le trajet risque d’être trop long et il vaut mieux vous soigner au plus vite. Heureusement, le chemin magique de la base militaire de Koriyu est toujours ouvert. Si vous êtes d’accord, nous vous emmènerons là-bas pour que vous puissiez vous reposer. Bien sûr, nous enverrons un message au palais de Shyrokyu pour les prévenir de votre absence. Cela vous convient-il, messire ? »

Le général craignait qu’il ne refuse. Il savait qu’il ne pourrait pas protéger l’enchanteur si on le renvoyait chez lui. Le roi Shyro était loin et il n’avait pas vraiment confiance en son héritier Kyu. Mais s’il recevait l’ordre d’escorter Keisuke Shigao jusqu’au royaume dragon, il serait obligé de s’exécuter. Ou de faire comme s’il n’avait jamais reçu de message, ce qui lui paraissait par avance bien compliqué.

[Keisuke Shigao]

En tout cas, Keisuke ne pouvait pas reprocher au vampire un manque de considération ou autre chose du même genre. Ce dernier le couvait presque comme une poule inquiète face à son poussin malade. La métaphore tirée de son esprit fatigué aurait pu le faire rire s’il en avait encore la force. Lui, un poussin ? Et le vampire une poule ? Il fallait vraiment qu’il arrête. Breeef, son…sauveur semblait réellement préoccupé par son état et cela rassura Keisuke sur le fait qu’il n’allait pas devoir lutter pour sa vie dans les prochaines minutes.

En revanche… Gné ? Ils s’étaient déjà rencontrés ? Pourtant l’enchanteur n’était pas du genre a oublier une personne déjà vue, surtout si elle était aussi importante que l’était le général Siguen. Il essaya de fouiller dans sa mémoire défaillante. Le nom lui parlait, bien entendu. Son nom et sa réputation étaient connus jusqu’à Shyrokyu, sans compter que Keisuke voyageait beaucoup et qu’il avait une… résidence secondaire, pour ainsi dire, dans le coin. Mais l’avoir déjà rencontré… non, aucun souvenir. Bon certes, réfléchir pour le moment lui donnait des vertiges et la migraine, mais quand même… Il aurait bien demandé quelques précisions à Siguen, mais celui-ci s’était redressé après s’être assuré qu’il ne tomberait pas, pour donner de nouvelles instructions. Keisuke laissa une oreille trainé, et fit une grimace dépitée. Visiblement, le général et ses hommes avaient rencontré des problèmes et avaient des blessés. Et des camarades tombés. S’il avait été plus en forme, le dragon aurait pu les aider pour le transport, tant des blessés que des morts. La magie avait bien des utilités. Mais dans le cas présent, il était vraiment inutile. Et c’était assez frustrant.

Le retour de Siguen le tira de ses pensées. Il répondit à Siguen d’un sourire un peu faible avant de secouer la main pour balayer les excuses.

« Ne vous en faites pas. C’est déjà très gentil à vous de m’aider alors que vous avez déjà vos propres problèmes. Je ne vais pas me plaindre ! Je regrette simplement de vous rajouter du travail et de ne pas pouvoir vous aider… »

Il étudia la suite de la proposition. Le ramener à la base militaire de Koriyu avant toute chose ? Il était vrai que le chemin jusqu’à chez lui, du moins son chez lui à Shyrokyu, serait assez long et pénible dans son état. Sans Compter qu’un dragon influent affaibli ne faisait pas long feu à Shyrokyu. Pas que les dragons soient des sauvages sanguinaires, oui enfin en principe non, mais ils connaissaient les complots politiques comme toutes les autres espèces. Si on le découvrait sans défense ou presque, un autre enchanteur pourrait très bien tenter de prendre sa place et le faire disparaître. Retourner au palais était donc pour le moment peu souhaitable. Mais pouvait-il aller à la caserne dans son état ? Siguen ne semblait pas lui vouloir de mal, mais qu’ne serait-il des autres ? Il retint un profond soupir. Ce n’était pas comme s’il avait le choix, de toute manière.

« J’accepte votre offre généreuse, Général. Mais ne vous en faites pas pour mon retour, je me débrouillerai. Si vous pouviez juste avoir la gentillesse de me fournir de quoi me restaurer, je pourrai gagner un pied à terre que je possède non loin d’ici, où je pourrai regagner mes forces sans gêner qui que ce soit. »

Et sans risquer d’être attaqué. Personne ne connaissait l’emplacement de sa demeure à Koriyu, qu’il avait entouré de sortilèges de protection. Une fois chez lui, il serait à l’abri le temps de se remettre.

On arriva avec un brancard de fortune et Keisuke fit de son mieux pour s’y installer. Ce n’était pas sn moyen de transport préféré, mais il devait être honnête, il n’aurait pas la force de marcher. Et il n’allait pas déranger ses sauveurs plus qu’il ne le faisait déjà. Il les remercia d’un sourire et ferma quelques instants les yeux, le temps que passe un vertige. Il était si fatigué… mais il ne devait pas dormir. Pas avant de s’être restauré. Le reste, questions comprises, pouvait attendre un peu…